mardi 27 octobre 2009

Lizin / Eerdekens, une proximité plus que géographique


Anne-Marie Lizin était bien de retour, dimanche midi sur les plateaux de la RTBF, égale à elle-même. Heureusement, et malgré l’intention du duo Maroy-Daout (voyez leurs déclarations sur le site de Sud Presse), c’est plutôt comme animatrice qu’elle a marqué le débat que comme contributrice. Faire rire, involontairement, la galerie (« je ne vais pas vous rappeler que je représente plus de 150.000 électeurs »), puis, piquer sa colère feinte, vieille ficelle dont elle continue à user (*). Le professeur de religion islamique, mesuré, tentait en vain de terminer son argumentation : Mme Lizin, de son indignation construite, élevait la voix et coupait court à tout dialogue. La posture autoritaire, naturelle, reprenait le dessus.


Claude Eerdekens est coulé dans le même moule. Les grandes déclarations moralisantes, il connaît. C’est souvent excessif (« l’étoile jaune de l’élu »), mais au plus ce l’est, au mieux, pense-t-il. Des contre-feux destinés à détourner les regards de ses pratiques locales autoritaires, bien loin des principes généreux dont il se fait régulièrement le chantre.


Comme Lizin, il tient les petits écolos « poils à gratter » pour responsables de tous les maux et les attaque sur tous les fronts. Voyez, sur l’efficace www.agorati.be, ses dernières contributions. Eclairant : OGM, amiante, bio-carburant, nucléaire, les pesticides, ondes électromagnétiques, etc.


Cette guerilla impulsive contre le vert va finir par irriter le boulevard de l’Empereur. Pas que la direction du PS souhaite ménager Javaux et les siens, mais, camarade Claude, il faudrait la jouer plus subtil, à la Magnette: « l’écologie, c’est aussi nous ».


Pas surprenant que Mr Eerdekens s’en prenne à la particratie. Il n’est plus en odeur de sainteté dans son parti. Le moindre faux-pas, la moindre affaire et il suivra le sort de sa voisine mosane.


(*)Avez-vous noté que les politiques dirigent volontiers leurs colères médiatiques contre des non-politiques, comme le Ministre Lutgen l'a fait, il y a quelques semaines, sur le même plateau, face à un fonctionnaire européen ? C’est tellement facile et payant ; mais c’est tellement déplacé !


vendredi 16 octobre 2009

Fils à papa


Les « fils à papa », l’Open VLD connaît. Walter Pauli du Morgen développait récemment l'analyse suivante: si le parti libéral flamand peine à trouver un digne successeur à Guy Verhofstadt, c’est en partie du à la place prépondérante qu’occupent les « filles et fils de » : Jean-Jacques De Gucht, Mathias De Clercq, Alexandre De Croo, Eva Vanhengel, etc. Pas que ces jeunes soient dépourvus de qualités. Non, leur faiblesse tient au fait que leur position n’est pas l’aboutissement du parcours à obstacle classique, que le commun des mortels attiré par les sirènes politiques est invité à traverser, avec l'aide de ses seuls coudes. Devenir paracommando sans avoir passé les étapes de la lourde sélection. Pauli prend l’exemple du pamphlet du jeune De Clercq : Pleidooi voor een nieuw liberaal offensief. S’il n’avait été écrit par le petit-fils de Willy, l’ouvrage aurait été descendu en flammes. Mais non, les critiques sont bienveillantes et l’auteur est aujourd'hui persuadé d’avoir apporté une contribution remarquable à la pensée politique.


La tradition de l’héritage professionnel est particulièrement présente dans certains milieux: fiston prend le relais de papa avocat, médecin, notaire ou politique. Nier qu’il bénéficie d’une prime de départ serait malhonnête sur le plan intellectuel; mais cette prime, fiston l'exploitera avec plus ou moins de talent. Prenez, au hasard, Charles Michel et Denis Ducarme.


C’est sur la durée qu’on apprécie. Souvent d’ailleurs, le processus de transmission prend du temps: Roger Vanden Stock est resté dans l’ombre de son père durant des années et ce n’est que petit à petit qu’il s’est forgé sa légitimité.


Depuis que Jean Sarkory -23 ans, fils du Président français- s’intéresse à la politique (deux ans environ), les portes ne cessent de s’ouvrir pour lui (bientôt peut-être celles de la présidence de l'EPAD, établissement public de gestion du quartier de la Défense à Paris, le plus grand quartier d'affaires européen). Qui croit, sincèrement, que ce serait au vu de ses talents ? Au plus les portes s’ouvrent, au plus Jean croit, comme Mathias, que, bon politique et compétent, il occupe la place qu’il mérite. En soi, Jean n’y peut rien. On lui fait croire et il croit. Il serait vraiment génial s’il doutait.


Malheureusement, ce ne sont pas les dernières interventions de ses partisans (surtout partisans de papa) qui stimuleront son sens critique.


Luc Chatel, Porte-Parole du Gouvernement français et Ministre de l’Education nationale, lance, irrité, «cette affaire commence à suffire! On a vraiment le sentiment d’une chasse à l’homme. Tous ceux qui interviennent sur cette question, que veulent-ils? Ils veulent interdire l’élection à un candidat de par son origine sociale, son nom, son faciès? C’est ça la République?». L’expression du ministre révèle de l'autosatisfaction revancharde, fier d’avoir renvoyé à ses opposants leurs formules habituelles. Il ne semble pas (encore) avoir mesuré l’ineptie de ses propos.


Pire. Fadela Amara, secrétaire d’Etat à la Ville, qui se dit touchée par le « jugez-moi sur mes actes » du petit Jean, déclare : « ce pays a peur de sa jeunesse ». Affreux détournement de slogan.


Quand on est à court d’argument, on ne fait plus dans la dentelle.


mardi 13 octobre 2009

Consultations populaires en question


Fait peu fréquent, les référendums et les consultations populaires alimentent, ces jours-ci, l’actualité politique, locale et européenne. En Suisse, où la consultation n’est pas rare, la cinquième votation populaire fédérale a eu lieu fin septembre. Les Irlandais, eux, viennent de donner un coup de pouce décisif au Traité de Lisbonne et les Anversois s’apprêtent à se rendre dans l’isoloir ce dimanche 18 octobre, pour – qui sait – porter un coup fatal au «Lange Wapperbrug», ce méga-projet de pont routier au Nord de la ville.


La consultation populaire est une institution de démocratie directe (« le corps électoral se prononce, de manière contraignante ou indicative, sur une question déterminée ») ; elle constitue un complément – et pas une alternative – à la démocratie représentative (« le corps électoral désigne ses représentants au sein d’assemblées »). Ses variantes sont nombreuses; je n'entre pas dans les détails ici. Sans ignorer les distinctions mais par facilité, je poursuivrai en parlant indistinctement de consultation populaire et de référendum de manière générique.


Quel est l’apport de la consultation populaire à la démocratie ?


Je voudrais, avant tout, rappeler une évidence : la démocratie n’est pas un corpus intouchable de règles figées, coulées dans une loi d’airain. Les principes généraux de représentation du peuple et de l’Etat de droit, les droits de l’Homme et les libertés fondamentales en constituent la matrice, mais au delà, les régimes politiques qui s’en réclament sont multiples ; aucun ne peut prétendre à l’excellence démocratique. Chaque système est ancré dans son histoire et son présent ; il forme un équilibre relatif, déterminé par son contexte culturel. Il arrive que cette notion de relativité de la démocratie soit perdue de vue, volontairement ou non. Les « ce n’est pas démocratique… » entendus ici et là ont tendance à m’irriter.


Dans son adaptation au contexte évolutif, la démocratie connaît un mouvement général de rapprochement entre les politiques et les citoyens. La distance fait place à la proximité : le ministre se mêle à la population ; il parle « comme les gens » et partage leurs loisirs. Sur le plan institutionnel, des efforts sont entrepris pour rendre l’administration plus transparente et accessible. Des formes nouvelles de démocratie sont mises en œuvre : commission de concertation, enquêtes publiques, association de groupements au processus décisionnel, panels citoyens, etc. La démocratie prend des formes participatives.


Cette évolution, inévitable et nécessaire, représente une avancée.


On tend toutefois aujourd’hui à effacer la différence fondamentale de statut entre les uns et les autres. Le politique n’est pas un simple citoyen : élu, il porte un projet voire une vision. C’est lui qui devra, in fine, déterminer comment mettre en œuvre ce projet, quitte à assumer une forme d’impopularité. La position d’un politique n’est pas la somme des avis de ses électeurs – somme au demeurant impossible. Cela ne signifie pas qu’il n’est pas important, dans le processus décisionnel, de prendre en considération les expressions des positions citoyennes mais cette prise en considération est une étape du processus, pas son aboutissement. La dialectique politique ne se résume pas à la fiction d’une relation unilatérale des électeurs vers leurs représentants que certains discours populistes voudraient faire passer pour l’essence de la démocratie.


Ceci dit et pour en revenir au sujet, c’est à la lumière de cette tension entre «proximité» et «distance», entre «expressions citoyennes» et «responsabilité politique» qu’il faut envisager l’intérêt de la consultation populaire.


Le référendum pose le débat publiquement. Il oblige les politiques à sortir de leurs cercles, à s’expliquer et à dévoiler leurs arguments. Leur volonté de convaincre les amène à faire preuve de pédagogie (ou de démagogie – mais cette critique vaut aussi pour les élections). De leur côté, les citoyens sont stimulés et invités à s’interroger; ils participent au débat comme ils ne l’auraient jamais fait. Des avis autres qu’experts occupent l’espace public. Les techniciens doivent «vulgariser».


La richesse et la force des débats que connaît la métropole anversoise dans la dernière ligne droite précédant sa consultation populaire sont impressionnants. Le journal Le Standaard notamment en fait état quotidiennement (http://bit.ly/1N8zqE). Sans doute cette consultation arrive-t-elle un peu tard, mais c'est là une autre question.


Le référendum français du 29 mai 2005, initié et non maîtrisé par Jacques Chirac (plébiscite quelque peu manqué), donna, lui aussi, lieu à un véritable foisonnement de débats, absent dans les Etats où la Constitution européenne fût ratifiée par le Parlement.


Certes, le référendum n’est pas la condition sine qua non de ce bouillonnement démocratique, mais il présente cette vertu de l’engendrer ou de l’amplifier inévitablement.


Les reproches contre le référendum, je les entends bien : débats binaires, détournement de l’objet, réduction simplificatrice des enjeux, etc. Charles Bricman les exprimait récemment dans son blog «On a des choses à se dire» (http://bit.ly/1phYU6).


Ces reproches sont sans doute fondés, même si l’exemple anversois montre, vu de Bruxelles, que la complexité des choses semble bien prise en considération. Mais ces critiques valent, de la même manière, pour les élections en générale. Qui vote en parfaite connaissance de cause (c’est à dire sur le programme des partis) ? Les politiques n’adoptent-ils pas des positions réductrices et caricaturales lors de campagnes électorales («la crise libérale» «la rage taxatoire» …) ? Qui a voté en tenant compte des enjeux européens aux élections européennes ? Ce n’est pas le propre de la consultation populaire d’être face à ces travers.


La consultation populaire enrichit la démocratie. Une pratique politique de respect des résultats devrait sans doute se mettre en place, mais il ne me paraît pas souhaitable de l’imposer en droit. Ce serait ôter au politique sa responsabilité. Je considérerais comme une faiblesse de la démocratie un système qui n’accorderait pas à celui-ci le pouvoir du dernier mot.


vendredi 2 octobre 2009

Bravo Bruxelles, malgré les esprits chagrins !


Les réseaux culturels bruxellois, francophones (RAB) et flamands (BKO) viennent de faire connaître leur Plan culturel pour Bruxelles: un ensemble de propositions, mûrement réfléchies et qui ne sont pas « à prendre ou à laisser », précise-t-on opportunément. Le processus de concertation mis en place, il y a deux ans dans la capitale, aboutit aujourd’hui à ce plan, qui me paraît constructif, concret, et fédérateur.

Lisez le texte et les propositions (en cliquant sur le titre du billet). Un geste fort et mature, qui témoigne de la richesse et de la vivacité des réseaux bruxellois.

Que voudrait-on de plus ? Peut-on ne pas saluer ?

Dans son article joliment intitulé « la culture tire son plan à Bruxelles », Jean-Marie Wynants du journal Le Soir rappelle toutefois que « certains estiment que ces propositions ont un air de cheval de Troie ».

On le savait et ce discours frileux fait régulièrement surface. Leur parano rend-elle donc aveugles ces esprits chagrins ? Ou est-ce leur nostalgie d’une certaine culture ? Ils doivent vivre bien isolés pour ne pas avoir constaté que les flamands bruxellois institutionnels se sont, pour la plupart, affranchis de la tare originelle, que leur contribution dans la réalité bruxelloise n’a plus rien à voir avec le mobile prosélytique de leurs bailleurs de fond. Le constat est là, tant dans le secteur culturel que social. Observez !

Mais peut-être est-ce cela qui gêne: une certaine indépendance des bruxellois flamands par rapport au politique, l’autonomie qu’ils ont conquise. Il ne faudrait pas que leur exemple fasse tache d’huile. La Culture en Communauté française n’aime pas trop ça, de Bruxelles à Chiny.