jeudi 19 novembre 2009

Non, Dany, ça c'est pas le foot


J'aime Cohn-Bendit, son attitude face à la politique, sa clairvoyance, son examen critique, sa nuance, son intelligence, etc. Mais là ! Ses déclarations à l'AFP, reprises par Le Monde et reproduites ci-dessous, sont un concentré de bêtise. Il avait, lors d'une récente émission, reconnu que concernant le foot, il pouvait faire preuve de mauvaise foi crasse. C'était un euphémisme.

Extrait du Monde en ligne, ce jeudi 19 novembre:

Autre responsable politique à intervenir, Daniel Cohn-Bendit (Europe-Ecologie) a déclaré à l'AFP jeudi que
"la main de Thierry Henry, c'est le summum de la chance". Henry a "fait son job", "c'est l'arbitre qui aurait dû voir la main", a-t-il poursuivi, jugeant que "ce n'est pas de la tricherie, le football c'est comme ça". Et d'ajouter. "Ce qui m'a terrifié, ce n'est pas la main - ça arrive, les plus grands on fait ça comme Maradona -, ce qui est horrible, c'est la manière dont a joué l'équipe de France".

La lecture de cet extrait du Monde m'a mis hors de moi: la rage se mêle à la déception.

Dans cette affaire, ce qui est grave, ce n'est pas l'erreur d'arbitrage, mais l'attitude de Thierry Henry après sa faute volontaire et la caution apportée par des personnalités comme Dany ou d'autres (Rama Yade notamment).

Qu'une main traîne volontairement, ça arrive. Que l'arbitre ne la voit pas, ça arrive. Qu'on considère normal que l'auteur du forfait n'ai pas l'obligation morale (fair-play) de reconnaître sa faute est atterrant. Il y a un certain honneur dans la victoire. Henry aurait du signaler sa faute à l'arbitre, un point c'est tout.

Cohn-Bendit ajoute: "il fait son job". En quoi le job d'un footballeur consiste-t-il à tricher ? (c'est comme si on acceptait la tricherie d'un membre des Verts, au motif que son job consiste à faire gagner son parti !). Qui a décrété que le fair-play ne s'imposait pas dans le foot ?

La faute n'est pas chez l'arbitre; elle est chez le sportif tricheur.

L'appel à Maradona est vraiment affligeant et sonne comme un aveu d'impuissance. Comme si, parce que d'autres l'ont fait...

On est au dégré zéro de l'argumentation.

Comment lutter contre la tricherie dans le sport, qu'il soit professionnel ou amateur, si on (des autorités, des références) accepte qu'un but puisse reposer sur une tricherie, à fortiori quand il s'agit d'un joueur emblématique et que l'enjeu est la qualification pour la coupe du monde.

Les jeunes qui ont vu Henry hier soir, qui ont lu ou entendu Cohn-Bendit (et les autres), auront sans aucun doute un peu plus facile à trouver quelque accommodement avec leur conscience quand ils seront en situation.

Non, Dany, ce n'est pas le niveau de jeu de ton équipe favorite qui est horrible (je suis surpris que tu puisses penser que les gens s'intéressent à ton avis sur la question); ce qui est horrible, c'est la banalisation que tu fais de la tricherie.

J'en suis encore K.O.

lundi 9 novembre 2009

Radio Bruxelles


Le 17 septembre 2009, alors qu'un reportage belgo-suisse sur la mise en scène des apparitions publiques du président Sarkozy faisait du bruit dans le landerneau cathodique, la RTBF (Radio Bruxelles) fanfaronnait sur son site: « la distance kilométrique et institutionnelle favorise l'exercice de l'impartialité ! ».

La distance favorise l'impartialité donc. Les télés locales sont-elles donc condamnées à la partialité ? L'exclusion des politiques de leurs instances -mesure envisagée par la Communauté française et discutée ce lundi dès 15 heures 55 sur InterMédias- va t-elle modifier la situation ?

Accuser les télés locales de partialité est excessif et heurtant pour des personnes qui tentent d'exercer leur métier avec professionnalisme, avec les faibles moyens dont ils disposent. Mais on ne peut nier que les proximités institutionnelles (élus siégeant dans les instances, financement en provenance pour partie des communes et des provinces) et géographique créent un climat malsain de dépendance du média vis-à-vis d'un monde politique qu'il est censé couvrir avec la distance journaliste requise.

L'élu local qui siège au CA voire au Bureau de l'institution bénéficie d'entrées et d'un accès facilité aux personnes clefs. Il connaît la maison et celle-ci est souvent petite. L'ancienne pratique politique était coutumière d'interventions directes. Je crois que ces comportements se font plus rares, à tout le moins plus discrets.

Mais l'essentiel n'est pas là. Souvent, l'influence s'exerce de manière sournoise. Ce qui est en jeu, c'est l'accès à l'information. Les journalistes critiques se voient privées de sources, du fait de leur indépendance. « Si vous êtes sympas avec nous, on continuera à vous alimenter en informations, voire en primeurs. Sinon, vous serez boycotté ! » Les choses sont rarement aussi explicites, mais le contexte est bien celui-là. Ce n'est d'ailleurs pas le propre des télés locales. La presse écrite est confrontée au même phénomène.

Je me souviens de la couverture par Télévesdre d'une visite organisée par la SPI+ à Freiburg im Breisgau. Voilà des mandataires locaux de la province de Liège qui découvrent les vertus des politiques écologiques mises en oeuvre dans la ville allemande. Tout le monde est élogieux. Télé Vesdre donne largement la parole à quelques mandataires influents: un dirigeant d'une intercommunale importante, une échevine d'une ville de la Province, un député provincial. Tous sont convaincus, alors qu'il n'y a pas si longtemps, ils ne cachaient pas leur scepticisme. Chacun y va de son initiative locale, exemplaire. Les deux conseillères provinciales écologistes qui avaient participé au voyage, elles, n'ont pas voix au chapitre. Pourtant, leur avis, qui, à priori, devait être intéressant, aurait permis de mettre en perspective les déclarations des uns et des autres.

Cet exemple est à mon sens symptomatique: il n'est pas question ici de parti pris; il n'y a pas de faute de la part du journaliste, juste une légère omission complaisante.

L'interdiction faite aux élus de siéger dans les CA des télés locales ne va pas entraîner de changement radical. Les élus risquent d'être remplacés par des apparatchiks locaux. Il y aura moins d'interventions d'un côté; il y en aura plus de l'autre. En soi, pas de grande différence. De plus, celui qui savait se faire désigner par son parti comme représentant auprès de la télé locale saura certainement se faire entendre de l'apparatchik. Plus fondamentalement, comme je l'ai souligné ci-dessus, l'influence politique sur le travail journalistique s'exerce principalement sur un autre plan: celui de l'accès à l'information. Chaque bourgmestre bénéficie de cette arme, qu'il siège ou non dans le CA de la télé locale.

Alors que faire ? Par où commencer ?

Parmi d'autres mesures (par exemple, pourquoi ne pas envisager la signature par les administrateurs des télés locales d'un code de bonne conduite ?), je me dis que l'exclusion des politiques n'est peut-être pas aussi inappropriée que ce que je pensais initialement. Pour les équipes rédactionnelles, le départ des élus signifiera une forme d'émancipation, le sentiment de ne plus avoir en permanence, dans son dos, une présence partisane, l'espoir de ne plus être évalué par des politiques juges et parties.

Symbolique, la mesure pourra s'avérer bénéfique si elle ne reste pas isolée.