dimanche 6 juin 2010

Gunzig ou le prêt-à-penser


Ces dernières semaines, je n'ai, pour ainsi dire, pas pratiqué mes activités créatrices mais les nuages ont continué à traverser mon horizon. Ce nuage-ci est bien gris.

Je fais une allergie à Thomas Gunzig. Ses billets matinaux sur la Première ("café serré") m'ont saturé. Le seuil de tolérance est atteint. "Bande de cons" commis hier matin m'irrite sur tout le corps.

"Bande de cons" (à lire sur le blog de l'auteur) est une longue litanie répétitive composée d'images éculées. Gunzig ne pratique pas la ligne claire; il pratique le gros trait. Pauvre RTBF.

Mais que dit Gunzig pour m'insupporter à ce point ? Les belges sont un peuple gentil et sage, qui aime les choses simples et veut vivre en paix. Les politiques sont incapables, incompétents et créent des problèmes là où les "gens" n'en veulent pas. Faisons donc la grève.

Je suis consterné par le discours ambiant dont ce billet n'est qu'une illustration.

Béatrice Delvaux, rédactrice en chef du journal Le Soir et autre championne du prêt-à-penser bien pensant, affirmait dans son édito du WE passé, que la grande majorité des faiseurs d'opinion flamands interrogés sont favorables au dialogue et à la coexistence entre les deux communautés et que, eux au moins, feraient de bons gouvernants; les politiques feraient bien de s'en inspirer. D'un côté, la bonne société civile; de l'autre, le monde politique, mauvais. D'un côté, des femmes et des hommes responsables et de bonne volonté; de l'autre, des vilains, fauteurs de troubles. Le tour de Flandre impressionniste de Guy Duplat, dans la Libre d'il y a une semaine, versait dans le même travers.

Je me demande vraiment ce qui amène ces observateurs, chroniqueurs et journalistes, à simplifier ainsi l'analyse. Est-ce par facilité ? Est-ce pour plaire, ou pour s'auto-congratuler ?

Ne peuvent-ils donc pas observer, décrire et analyser la réalité dans sa complexité ? Essayer de comprendre en quoi BHV a une porté symbolique réelle et forte pour bon nombre de flamands ? Tenter de faire part de la diversité et la multiplicité des revendications et positions flamandes ? Comprendre que pour beaucoup, institutionnel et socio-économique sont liés ? Que pour certains, s'occuper du bien-être "des gens" passe par plus de compétences pour les régions ? S'interroger sur le phénomène de repli et de fermeture des régions prospères, dont les populations cherchent à préserver les acquis matériels à leur propre profit ? Tenter de saisir pourquoi 800.000 flamands ont voté Leterme en 2007 et pourquoi une proportion importante s'apprête à voter De Wever ? Comprendre pourquoi les Wallons continuent à voter Daerden et Di Rupo ? Plus fondamentalement, interroger, des points de vue de la philosophie et de la sociologie politique, le système de représentation démocratique, sa pertinence et ses failles, précisément ce système qui engendre ceux qui nous gouvernent...

Non, les gens ne sont pas spontanément bons; la société civile n'est pas par essence pure, les média neutres. Les premiers élisent nos gouvernants et les sollicitent quotidiennement. La société civile les orientent, par l'action de ses groupes de pressions sectoriels. Les média les façonnent. La situation dans laquelle se trouve notre pays aujourd'hui est le résultat d'interactions subtiles entre ces pôles différents, dans le cadre d'une société en pleine mutation. La responsabilité est partagée.

Personnellement, j'apprécie les chroniqueurs qui me surprennent par leurs éclairages innovants, par les relations inattendues, par leur regard froid et leur capacité à aller à contre-courant. Ils existent, par exemple sur la Première à 7h20 ou dans les colonnes du Standaard. Les lieux communs, fûssent-ils provocateurs (d'une provocation convenue) ne m'intéressent pas; ils me fatiguent.

Thomas Gunzig, vous terminez votre billet en appelant à la grève. Je vous en prie !

4 commentaires:

  1. Oui, bon...
    Cela dit, les billets de matin première, ce sont des caricatures... Rien de plus... Donc justement, ça déforme et ça exagère...
    Je reconnais que Murakami, c'est autre chose... "La course au mouton sauvage" et "Après le Tremblement de Terre" dorment juste à côté de moi...

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  2. Je suis aussi allergique à ces billets matinaux, qui se veulent à la page, histoire de faire comme à France Inter...
    Gunzig et Guillon commencent par la même lettre; mais c'est la seule qu'il ont en commun.
    Monsieur Gunzig, l'exercice du portrait corrosif ne vous sied pas, vous êtes meilleur dans vos autres disciplines, ou vos trucs et ficelles sont moins visibles.
    Moi qui étais un assidu de matin première, depuis que vous officiez sur la chaîne, je zappe.

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  3. Merci pour vos réactions. Moi, j'aime la dérision, la caricature et le fait qu'on se moque de nous et de nos politiques. La question n'est pas là. L'impertinence doit être pertinente. Comme Michèle Lamensch (LS de ce jour) et M, je pense que les billets de Thomas Gunzig ne le sont pas.

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  4. voici l'avis de mon ami alexandre: "c'est curieux moi je l'aime plutôt bien son petit mot du matin
    je l'attend avec un peu d'impatience et souvent je me délecte
    un mélange bien de chez nous d'impertinence sans vraie méchanceté, de dérision salutaire et d'auto dérision et puis aussi le cran de le faire devant les intéressés
    bien sûr ce n'est pas de la sociologie(je suis sociologue) mais il parle avec beaucoup de libertés et ne le fait pas que pour énoncer des évidences"

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