vendredi 11 septembre 2009

Une autre rue est possible, Mr le Président.

Ces dernières semaines, les habitants et les promeneurs de la rue de Flandre à Bruxelles ont découvert Jeroen Peters, squatter du n°100. Les avis affichés sur la vitrine de cet immeuble du dix-huitième siècle, propriété laissée à l’abandon par le CPAS depuis une dizaine d’années, racontent son histoire. La vidéo « L’équilibre fragile » postée sur www.vimeo.com permet d’en savoir plus.

Au départ d’une occupation « sans droit ni titre » mais à force de labeur et d’investissements, Peters a ouvert un espace original, «T’Evenwicht/L’Equilibre», galerie d’art pas comme les autres, lieu de rencontres ouvert aux voisins et aux démunis. Des artistes y exposent; des SDF y logent. Vernissages et repas sociaux se succèdent.

Mais voilà, «T’Evenwicht/L’Equilibre» n’entre pas dans les plans du CPAS; son président, Yvan Mayeur (PS), annonce que le squatter et ses hôtes devront évacuer les lieux pour laisser place à un rez commercial et un logement, après une opération de démolition / reconstruction. Un jugement d’expulsion est rendu. Le quartier se mobilise en faveur du maintien de l’Equilibre.

On en est là aujourd’hui.

Mon interrogation: une administration souple et dynamique est-elle possible ?

La logique institutionnelle voudrait ceci: les instances démocratiques anticipent et planifient; les décisions individuelles qui découlent de ce cadre général s’imposent telles quelles; pas question de s’en écarter. Exit donc Jeroen.

Une approche téléologique - qui met l’accent sur la finalité- envisagerait la question sous un autre angle. On sait que les plus belles symbioses sociales sont d’origine spontanée. Les meilleurs urbanistes et sociologues ont beau planifier mixité sociale et cohabitation harmonieuse; leurs plans ne suffisent pas. Dit plus simplement: combien de planificateurs ne rêvent pas de voir émerger dans leur ville idéale une galerie d’art à vocation sociale, ouverte sur son environnement urbain ? Le genre d’entreprises qui ne se décrètent pas, que les travailleurs sociaux ne peuvent inventer, mais qui naissent d’un concours heureux de circonstances, de la magie d’une personnalité, de son histoire, de sa motivation, de sa force et de sa rencontre avec un lieu donnée, à un moment donné.

Bien entendu, le projet n’entre pas dans les schémas administratifs conventionnels et l’évaluation de son apport social n’est pas chose aisée (on peut d’ailleurs en dire autant pour les initiatives conventionnelles). Mais à nouveau, l’intérêt public doit pouvoir se jauger aussi en dehors des instruments de mesure habituels.

Mon propos ici n’est pas de dire « Jeroen doit rester » mais de poser la question: le CPAS est-il capable de mesurer réellement l’apport pour la ville et ses habitants de ce lieu social spontané ? Peut-il, sur la base de cette évaluation, s’écarter -le cas échéant- de la voie purement administrative en laissant l’initiative se déployer et en inventant un dispositif d’encadrement approprié ? La question est évidemment plus générale: une gestion publique dynamique est-elle possible ? Les autorités sont-elles en mesure d'accorder une place aux initiatives spontanées, à valeur ajoutée pour la société, au moment où celles-ci émergent?

Yvan Mayeur, président du CPAS et parlementaire fédéral socialiste, reprenait récemment à son compte, avec Jean Cornil, le slogan « un autre monde est possible »; il ajoutait, plus loin: « il faut oser remettre en cause un productivisme qui menace la qualité de vie ».

On pourrait commencer ici et maintenant, simplement.

10 commentaires:

  1. Très beau texte ! Pourquoi ne pas en faire une carte blanche et la publier dans le journal Le Soir ? (avec éventuellement les signatures de tous ceux qui soutiennent le projet de Jeroen)

    RépondreSupprimer
  2. Merci. On pourrait en effet proposer une carte blanche. Il faudrait quelque peu actualiser le texte. Si vous souhaitez co-signer, faites-vous connaître en laissant vos coordonnées.

    RépondreSupprimer
  3. Excellente initiative... Je signe !

    Isabelle MARCHAL
    Place du Nouveau Marché aux Grains, 15/10
    1000 Bruxelles

    La maison de quartier doit rester !
    Le projet de Jeroen est déjà une réalité qui apporte au quartier plus de convivialité, plus de cohésion sociale, plus de plaisir de vivre ensemble !

    RépondreSupprimer
  4. Entièrement d'accord avec le texte.J'approuve l'idée dans faire une carte blanche.Jean-claude Germain dit "babelkot"

    RépondreSupprimer
  5. Bravo pour le texte, d'accord pour co-signer.

    benjamin vella
    rue du Houblon 5 Hopstraat
    1000

    RépondreSupprimer
  6. tres belle initiative!
    la lucha continua!

    RépondreSupprimer
  7. Personnellement, je ne sais plus très bien où en est la situation. Jeroen est quelqu'un que j'ai eu la joie de rencontrer et qui est vraiment doué d'esprit et d'initiatives qu'il réalise avec un talent inné et une force d'âme exemplaire. Quels types d'alternatives le "mastodonte" CPAS propose-t-il à quelqu'un de la trempe de Jeroen Peeters ?...
    Karine Aléo

    RépondreSupprimer
  8. oui oui oui, entièrement d'accord. Une telle initiative ne pourrait jamais se développer dans un cadre pré-mâché et étouffant.
    Je co-signe
    Liesbeth

    RépondreSupprimer
  9. Merci à tous pour vos commentaires et votre signature. La proposition de carte blanche a été transmise hier à quelques rédactions francophones et flamandes. Publication au plus tôt demain, vendredi 9 octobre.

    RépondreSupprimer